Accord d’Escazú : la Colombie est très proche de devenir officiellement un État partie après le Chili (2022), l’Argentine et le Mexique (2021). Réflexions depuis le Costa Rica.

Le 5 novembre 2022, le président colombien a signé l’accord d’Escazú, après son approbation par les deux chambres de l’assemblée législative colombienne (voir l‘ article officiel publiée par le ministère colombien des affaires étrangères et le communiqué publié par les autorités environnementales le 14 novembre).

Pour rappel, l’Accord d’Escazú est un traité international adopté sous les indications de la Commission économique des Nations unies pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) en mars 2018 au Costa Rica par 33 délégations d’Amérique latine et des Caraïbes et se compose de 26 articles (le texte est disponible sur ce lien) : il vise à traduire en termes juridiques le principe 10 de la Déclaration de Rio de 1992 sur la participation informée du public en matière d’environnement. L’accord d’Escazu est officiellement entré en vigueur le 22 avril 2021, avec 12 États parties, l’Argentine et le Mexique étant les États qui ont permis d’atteindre le nombre nécessaire pour son entrée en vigueur : l’état actuel des signatures et des ratifications est disponible sur ce lien officiel des Nations unies.

Un mois de novembre escazuceño

En ce même mois de novembre 2022, à l’occasion de la COP27 qui s’est tenue à Sharm El Sheikh (Égypte), la même région d’Amérique latine et des Caraïbes s’est exprimée par le biais de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) par le biais d’un document officiel, intitulé « Document officiel de la réunion des autorités de haut niveau sur le changement climatique de la CELAC », daté du 9 novembre 2022 (voir lien), dans lequel on peut lire – au point 6 – que les États de la région :

6. reconnaissent les progrès réalisés par les pays de la région dans la lutte pour la justice climatique grâce à l’entrée en vigueur de l’Accord régional sur l’accès à l’information, la participation du public et l’accès à la justice en matière d’environnement en Amérique latine et dans les Caraïbes.

Cette façon d’accueillir, dans le cadre d’une conférence mondiale sur le changement climatique, les progrès de l’Accord d’Escazú dans la région est louable de la part de la CELAC (et de plusieurs des 33 États qui composent ce forum régional), ce qui dénote le travail actif réalisé au sein de la CELAC par les États parties à l’Accord d’Escazú. Espérons que cela se reproduira dans d’autres espaces, tant au niveau universel que régional, où la mention d’Escazú dans les résolutions sur l’environnement et les droits de l’homme n’apparaît toujours pas : c’est le cas d’une récente résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en juillet 2022 (voir le texte dans l’encadré correspondant à A/RES/76/300 ou dans ce lien). À cet égard, ce devrait être la CEPALC qui, en se réjouissant de son adoption, a rendu visible la relation intrinsèque de cette résolution avec l’Accord d’Escazú, qui a été ignoré – pour une raison qu’il serait intéressant de connaître – par les États promoteurs de la résolution (voir son communiqué officiel).

Lors du précédent sommet mondial qui s’est tenu à Glasgow (Écosse) en novembre 2021, un événement sur l’Accord d’Escazú (voir programme) a réuni les délégués et les différents organismes de coopération internationale pendant la COP26 elle-même, sous les auspices de la CEPALC.

Il convient de noter que durant la dernière semaine de novembre 2022, l’Accord d’Escazú focalise l’attention des médias, des organisations de la société civile et des entités internationales, lorsque le « Premier Forum annuel des défenseurs des droits de l’homme sur les questions environnementales » se tiendra à Quito dans le cadre de l’Accord d’Escazú (voir le programme préliminaire et le lien officiel pour y participer) : comme on peut le voir dans le programme, des organisations et des défenseurs de l’environnement participeront à cet événement, ainsi que des autorités d’États qui ne sont pas nécessairement parties à l’Accord d’Escazú.

Bref compte rendu du processus d’adhésion en Colombie et au Chili

Le 10 octobre 2022, en Colombie, la Chambre des représentants a approuvé l’accord d’Escazu (voir son article officiel) : le vote a enregistré une majorité écrasante de 119 voix pour et une seule contre. Quelques semaines plus tôt, au Sénat colombien, cette fois lors du second débat, l’approbation de l’accord d’Escazú avait enregistré 74 voix pour et 22 contre (voir cet article dans El Nuevo Siglo, 26 juillet 2022).

Une fois sanctionné par le pouvoir exécutif colombien, le processus d’approbation de l’accord d’Escazú prévoit une formalité supplémentaire, à savoir son examen par la Cour constitutionnelle. En ce qui concerne ce dernier point, un article sur la Constitution colombienne de 1991 et l’Accord d’Escazú (dont la lecture est recommandée, notamment par les collègues constitutionnalistes), rédigé par deux juristes colombiens, explique combien la relation entre les deux textes est complémentaire et harmonieuse (Note 1). Nous invitons nos collègues à reproduire ce type d’exercice académique dans d’autres parties du continent avec les textes constitutionnels en vigueur en Amérique latine : si cela avait été fait, cela aurait sans aucun doute permis de lever les doutes dans diverses parties du continent.

Ces nouvelles de la Colombie concernant l’accord d’Escazú rappellent d’autres nouvelles de la mi-2022. En effet, au cours de la dernière semaine de juin 2022, le Secrétariat général des Nations unies a mis à jour l’état officiel des signatures et des ratifications de l’accord d’Escazú : le 13 juin, le Bureau des traités du Secrétariat général des Nations unies a enregistré le 13e instrument d’adhésion, officiellement déposé par le pouvoir exécutif chilien.

La manière dont la Colombie s’apprête à devenir un État partie en 2022 et dont le Chili a adhéré à l’accord d’Escazú en juin dernier, ainsi que le niveau de consensus avec lequel il a été approuvé dans les deux États, soulèvent aujourd’hui des questions très pertinentes, en particulier dans les États où les détracteurs de l’accord d’Escazú ont invoqué les discussions animées en Colombie (et précédemment au Chili) comme « argument » pour ne pas approuver ce traité régional. A cet égard, le document « Mythes et vérités / Accord d’Escazú » diffusé en avril 2022 au sein de la Chambre des députés chilienne (voir lien) par les promoteurs de ce traité donne une idée du niveau de créativité des détracteurs chiliens de ce traité.

En ce qui concerne le Costa Rica, l’adhésion de la Colombie après celle du Chili, précédée en 2021 par celles de l’Argentine et du Mexique, le place dans une situation encore plus isolée et inconfortable, confirmant au passage la solitude prononcée du pouvoir judiciaire costaricien en Amérique latine, comme nous le verrons plus loin. Comme on s’en souviendra, le Costa Rica et le Chili ont mené le processus difficile de négociation qui a duré exactement 5 ans, 7 mois et 7 jours avant de s’achever avec succès au Costa Rica en mars 2018. Le malaise et le mécontentement que suscite actuellement l’accord d’Escazú dans certains cercles politiques costariciens sont tels que, dans une récente interview publiée dans le quotidien espagnol El País, l’actuel responsable du portefeuille de l’environnement du Costa Rica n’a trouvé d’autre réponse que de suggérer de changer le nom de l’accord d’Escazú : « Je suggère qu’ils changent le nom, s’ils le veulent » (sic.) (voir l’article contenant cette interview, publié dans l’édition du 2 septembre 2022).

Un détail sur les chiffres qui mérite d’être mentionné

Au-delà de ce qu’un ministre de l’environnement costaricien déclare parfois aux médias internationaux, un petit recomptage des chiffres s’impose : outre les votes abrupts enregistrés dans les deux chambres en Colombie, il convient de préciser les chiffres obtenus dans les deux chambres du pouvoir législatif chilien en moins de 20 jours au mois de mai 2022 en faveur de l’accord d’Escazú :

  • Le 11 mai, la Chambre des députés l’a approuvé par 105 voix pour, 34 contre et 3 abstentions
  • Le 31 mai, le Sénat l’a approuvé par 31 voix pour, 3 contre et 11 abstentions

Ces majorités indiscutables montrent que les prétendus « arguments » contre l’accord d’Escazú entendus à l’époque à Santiago et à Bogota n’impressionnent plus qu’un très petit nombre, et qu’ils font partie du passé. Et surtout, ces majorités écrasantes illustrent le fait suivant : lorsqu’un pouvoir exécutif (à la différence de l’actuel pouvoir exécutif costaricien et de son prédécesseur) prend le temps d’expliquer la portée de ce traité, et de démonter les prétendus « arguments » contre lui, ces derniers ne parviennent pas à tenir longtemps : ils s’évanouissent, comme la brume matinale aux premiers rayons du soleil.

À leur tour, ces chiffres obtenus en Colombie et au Chili nous rappellent qu’en novembre 2020, le Sénat mexicain a approuvé l’accord d’Escazú à l’unanimité (voir le communiqué officiel de son Sénat), qu’en septembre 2020, en Argentine, le vote de la Chambre des députés a enregistré 240 voix pour, 4 contre et 2 abstentions (voir article officiel) et qu’en 2019, le Parlement bicaméral de l’Uruguay l’a approuvé à l’unanimité (voir fiche).

Comme indiqué ci-dessus, à compter du 13 juin 2022, grâce au Chili, le nombre d’États parties à l’accord d’Escazú est passé à 13, la Colombie devant passer à 14 dans les prochains mois en 2022.

Une rectification longtemps attendue

L’approbation de l’accord d’Escazú est une réalisation majeure des pouvoirs exécutifs actuels de la Colombie et du Chili. Dans le cas de ce dernier, cette approbation a mis fin à une polarisation inutile qui a commencé à la mi-2018 avec le refus catégorique des autorités chiliennes de même signer cet instrument régional de pointe pour la région et le monde.

Avec une mémoire très courte, il convient de rappeler qu’en septembre 2018, le Chili n’a même pas envoyé de délégué à la grande cérémonie officielle organisée au siège des Nations unies à New York pour ouvrir officiellement l’accord d’Escazú à la signature des 33 États membres de la Commission économique des Nations unies pour l’Amérique latine (CEPALC) : un geste inhabituel de la part d’une administration déroutante comme celle du président Sebastián Piñera, jamais observé auparavant à l’Assemblée générale des Nations unies.

La mobilisation d’un important secteur de la société civile chilienne demandant à l’exécutif de reconsidérer une position aussi inhabituelle (voir la lettre collective diffusée en septembre 2018) a eu peu d’effet. Le fait que, depuis le Vatican, la Conférence latino-américaine des religieux (CLAR) ait réitéré en 2020 au Chili (et aux autres États de la région) la nécessité d’approuver l’accord d’Escazú (voir l’article de VaticanNews) a connu le même sort : Il est intéressant de noter que tous les dirigeants de l’Église catholique n’ont pas fait écho à cet appel lancé par une entité proche du Vatican dans certains États, et que plusieurs groupements politiques d’Amérique latine qui – du moins officiellement – prétendent suivre la Doctrine sociale de l’Église ont ignoré cet appel.

Escazú : un instrument d’avant-garde

Escazú a été décrit par de nombreux spécialistes comme un instrument moderne de gestion et de gouvernance de l’environnement, selon diverses perspectives et disciplines (Note 2).

Le caractère visionnaire d’Escazú est tel que le 24 juin 2022, la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (CEE-ONU) a annoncé la nomination d’un rapporteur sur les défenseurs de l’environnement (voir le communiqué officiel de la CEE-ONU), inspiré par les débats et les réalisations incontestables et incontestées de l’accord d’Escazú, non envisagé dans la convention d’Aarhus (Note 3). Comme on le rappelle, Escazú (2018) est l’équivalent latino-américain et caribéen de la Convention d’Aarhus (1998) en Europe.

Il s’agit d’une preuve supplémentaire de la vision claire que les États qui ont conçu l’accord d’Escazú avaient dès le départ, et qui devrait renforcer en Amérique latine et dans les Caraïbes la conviction de son approbation urgente et nécessaire.

En avril 2022, la CEPALC a publié un guide d’application (de près de 200 pages) de l’accord d’Escazú, dont la lecture est vivement recommandée aux organisations sociales, ainsi qu’aux entités publiques et aux membres intéressés du grand public : nous vous suggérons d’en envoyer (discrètement…) une copie à l’actuel responsable du portefeuille de l’environnement au Costa Rica.

Début juillet, l’Argentine a annoncé (voir ce communiqué de presse) une consultation publique visant à améliorer sa stratégie nationale sur le changement climatique, une consultation qui s’inscrit dans les lignes directrices de l’Accord d’Escazú.

Qu’ils soient ou non des États parties à l’Accord d’Escazú, la mise en œuvre de l’article 9 sur la protection des défenseurs de l’environnement devrait être d’un intérêt prioritaire pour de nombreux États dans lesquels, semaine après semaine, des personnes qui s’expriment pour défendre leur communauté sont assassinées ; et d’autres États dans lesquels les dirigeants de petites communautés urbaines, rurales et/ou autochtones (souvent des femmes) sont criminalisés et subissent diverses formes de pression et d’intimidation lorsqu’ils exigent le respect de la législation environnementale en vigueur.

Dans le cas du Costa Rica, une précieuse publication intitulée « Un souvenir qui se transforme en lutte : 30 ans de criminalisation du mouvement environnemental au Costa Rica » documente une réalité bien éloignée de l’image de démocratie verte et pacifique promue internationalement par l’État costaricien au cours des 30 dernières années. Un récent rapport présenté par le Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en septembre 2022 recommande au Costa Rica de ratifier sans plus attendre l’Accord d’Escazú, compte tenu de la situation de totale absence de défense dont souffrent les dirigeants de plusieurs communautés autochtones costariciennes, deux d’entre eux ayant été assassinés en moins d’un an entre mars 2019 et février 2020 (Note 4).

En juin 2012, la voiture de José Menéndez et Sonia Bermúdez a été incinéré. Le couple avait dénoncé l’exploitation forestière ainsi que l’extraction de pierres de la rivière Banano à Limón. Photo extraite de cet article du Semanario Universidad du 6 avril 2021 sur l’accord d’Escazú. Comme c’est souvent le cas au Costa Rica, 10 ans plus tard, l’impunité règne dans cette affaire, comme dans beaucoup d’autres où les écologistes sont la cible d’actions de cette nature).

Récemment, en Argentine, des mesures de protection ont été demandées pour protéger un défenseur de l’environnement contre une entité étatique (voir cet article du 25 juillet 2022) : une attitude de l’État qu’il serait extrêmement opportun d’étendre à beaucoup plus de personnes dans d’autres parties du continent américain.

Le Chili et la Colombie avancent avec Escazú …

En juin 2022, le Chili a réussi à déposer son adhésion aux Nations unies, quelques jours après les festivités de la Journée internationale de l’environnement. Il est à noter que d’autres Etats, comme le Chili, lors de la ratification de l’Accord d’Escazú, ont pris soin de déposer leur instrument formel de ratification aux Nations Unies à des dates symboliques pour l’environnement et pour l’Accord d’Escazú lui-même (Note 5).

Quelques jours avant le 5 juin, le service d’évaluation environnementale (SEA) du Chili a également publié une instruction (voir texte) qui devrait déjà inspirer de nombreux autres États d’Amérique latine en matière de participation des communautés touchées ou potentiellement touchées.

Il convient également de noter que le 22 juin 2022, les trois ministres chiliens (Environnement, Affaires étrangères et Justice) se sont réunis pour élaborer une feuille de route pour la mise en œuvre de l’accord d’Escazú (voir le communiqué officiel du ministère de la Justice). Quelques semaines plus tôt, le chef du ministère chilien de l’agriculture a exprimé des opinions (voir communiqué officiel) sur l’accord d’Escazú qui devraient inciter certains de ses homologues d’Amérique latine à changer d’avis, en déclarant que :

Les conflits sont basés sur le manque de confiance entre les acteurs, et pour cela, l’information et la participation sont fondamentales. Ce traité nous oblige à respecter fidèlement la participation et l’information pour des décisions environnementales durables d’un ministère engagé dans l’agriculture verte.

Il ne fait aucun doute que l’accord d’Escazú a trouvé au Chili, en 2022, l’une des équipes gouvernementales qui comprend le mieux la portée de son contenu et qui montre aux autres comment mettre en œuvre et concrétiser les principes qu’il énonce. Après la première Conférence des Parties (COP) qui s’est tenue au Chili en avril 2022 et que nous avons eu l’occasion d’analyser, la seconde se tiendra … également au Chili en 2024, tandis qu’une réunion intermédiaire se tiendra en 2023 en Argentine.

Compte tenu de la proximité des processus au Chili et en Colombie, il est très probable que le travail remarquable accompli par les autorités actuelles au Chili inspirera les décideurs en Colombie dès que, ou même avant, l’instrument d’adhésion sera officiellement déposé aux Nations unies. Comme au Chili, le nouvel exécutif colombien a procédé à l’explication de la portée de ce traité régional, révélant les hésitations, les points d’achoppement et les manœuvres de toutes sortes que l’exécutif colombien sortant avait lui-même créés. C’est ce qui ressort clairement d’un entretien avec la personne qui a pris la présidence du Sénat colombien le 20 juillet 2022. Comme au Chili, la force des chiffres obtenus dans les deux chambres en Colombie montre la faiblesse des « raisons » supposées de s’opposer à Escazú.

… et les perspectives s’ouvrent pour Escazú

Dans les Caraïbes hispanophones et latines, Haïti et la République dominicaine n’ont toujours pas approuvé l’accord d’Escazú dans leurs congrès respectifs, tandis que Cuba ne l’a même pas signé.

Dans la région andine, le Pérou est désormais le seul État à ne pas avoir approuvé l’accord d’Escazú. En août 2022, nous avons eu l’occasion de nous exprimer sur la nomination, à la tête de la diplomatie péruvienne, d’un opposant à l’accord d’Escazú (voir notre interview publiée dans les médias numériques de Servindi) : cet épisode a mis en évidence l’extrême prudence qui doit être observée lors de la nomination d’un nouveau membre du cabinet péruvien actuel.

Au-delà de la crise institutionnelle de Lima en 2022, la situation du Pérou est similaire à celle du Brésil et du Paraguay en ce qui concerne l’accord d’Escazú : le traité a été signé par le pouvoir exécutif et n’a pas encore été approuvé par le pouvoir législatif. Le hiatus dramatique que représente l’administration du président Bolsonaro au Brésil pour l’environnement et les droits de l’homme (Note 6) prendra fin en 2022, ouvrant la porte à une discussion sereine sur l’accord d’Escazú. A noter que le Venezuela, contrairement au Brésil et au Paraguay, a choisi de ne pas signer ce traité.

En Amérique centrale, outre la situation particulière du Costa Rica, qui sera analysée ci-dessous, le Salvador et le Honduras continuent avec un exécutif qui n’a pas signé l’accord d’Escazú à ce jour. Le Guatemala, pour sa part, l’a signé, mais le processus d’approbation (comme au Costa Rica) a été suspendu en raison de la forte opposition du secteur des affaires et de ses dirigeants politiques. En ce qui concerne le Honduras, la signature de l’accord d’Escazú est un geste politique important qui pourrait bien se concrétiser à l’avenir, si l’on considère que la date du 4 mars pour l’adoption de l’accord d’Escazú en 2018 a été choisie comme un hommage latino-américain et caribéen à l’anniversaire de Berta Cáceres, la leader lenca hondurienne assassinée au Honduras en 2016 : Le cerveau de ce meurtre a été condamné le 21 juin (voir le reportage de la BBC), tandis que les doutes persistent quant aux négligences répétées des institutions bancaires européennes en charge du projet hydroélectrique d’Agua Zarca. Le 30 juin 2022, l’ONG Human Rights Watch a envoyé une longue pétition aux autorités honduriennes (voir le texte) pour demander la signature et l’approbation rapide de l’accord d’Escazú :

Au moins 10 défenseurs des droits de l’homme ont été tués en 2021, a indiqué le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), tandis que 199 défenseurs des droits de l’homme ont été victimes de harcèlement, de menaces ou d’attaques la même année. Sur ce nombre, 80 % défendaient des droits fonciers ou environnementaux. Dans presque tous les cas, les menaces et les attaques contre les défenseurs des droits de l’homme restent impunies.

Dans les premiers jours de juillet 2022, des campagnes d’information sur l’accord d’Escazú ont été signalées au Honduras (voir l’article dans La Tribuna de Honduras) qui pourraient bien être reproduites dans d’autres parties du monde. Il convient de rappeler que le Honduras, comme Cuba, le Salvador et le Venezuela, fait toujours partie des États qui n’ont même pas signé l’accord d’Escazú.

Photo : Le nouveau président du Chili Gabriel Boric et Constance Nalegach, ancienne négociatrice de l’accord d’Escazú pendant son processus de discussion (2012-2018) lors de la cérémonie officielle de signature de l’accord d’Escazú, au Palacio de la Moneda, qui s’est tenue le 18 mars 2022 (photo extraite des médias sociaux).

Enfin, il est nécessaire de citer ce document officiel préparé par les autorités équatoriennes en 2021 sur la manière de mettre en œuvre l’accord d’Escazú et de faire référence au premier forum (voir le lien officiel de la CEPALC) qui se réunira à Quito fin novembre 2022 sur les défenseurs des droits de l’homme en matière d’environnement.

Le Costa Rica et Escazú : des questions et une situation plus qu’inconfortable

Il convient de rappeler que les États suivants ont signé l’accord d’Escazú et ont jusqu’à présent refusé de l’approuver dans leurs congrès respectifs : Brésil, Costa Rica, République dominicaine, Guatemala, Haïti, Paraguay et Pérou.

Regardez le Costa Rica en… Une telle liste d’États réticents à protéger les droits de ceux qui défendent l’environnement ? Il se lit donc depuis le Costa Rica et aussi (malheureusement pour l’État costaricien et son image internationale) en dehors de celui-ci.

La promotion de l’image du Costa Rica à l’étranger et l’ombre de l’accord d’Escazú ont récemment donné lieu à un exercice intéressant aux Nations unies : lors de la récente compétition d’octobre 2022 entre le Chili, le Costa Rica et le Venezuela pour être élus membres du Conseil des droits de l’homme des Nations unies (le Chili et le Costa Rica étant finalement élus), la lettre de candidature officielle du Costa Rica aux Nations unies (voir le lien) a omis toute référence à l’accord d’Escazú. Une omission plus que frappante si l’on examine la lettre officielle de candidature présentée par le Costa Rica pour les mêmes élections de 2019, dans laquelle il faisait bien référence à l’accord d’Escazú (voir document, point 16).

Dans le cas du Costa Rica, on aurait pu penser que l’adhésion exemplaire du Chili (et celle très prochaine de la Colombie) aurait eu un effet sur la discussion au sein de son pouvoir législatif, comme cela avait été suggéré à l’époque à l’occasion de la Journée internationale de l’environnement en 2022.

Malheureusement, les autorités actuelles conduisent le Costa Rica dans la direction opposée : Des initiatives législatives très inquiétantes (promues par le pouvoir exécutif costaricien), qui visent à limiter considérablement la participation des citoyens en matière d’environnement au Costa Rica, ont tiré la sonnette d’alarme dès les premiers jours de juillet 2022 (voir par exemple le communiqué de presse intitulé « Les écologistes avertissent de la dérive autoritaire de Chaves en matière d’environnement » et l’article sur les incertitudes posées par cette « réforme » de la plus haute autorité environnementale du Costa Rica, ainsi que ce rapport publié dans le Semanario Universidad le 6 juillet 2022).

Un article publié dans le Semanario Universidad du 13 juillet intitulé « Les chambres de commerce sympathisent avec Chaves » montre un agenda du pouvoir exécutif très proche des demandes des principaux chefs d’entreprise.

Presque au même moment, un cas notoire de contamination de l’eau potable dans la communauté de Cipreses (Cartago) a mis en évidence le manque total d’expertise des autorités costariciennes actuelles chargées de veiller à la qualité de l’eau distribuée (voir la lettre du collectif EcoCipreses du 30 juin) : ce cas confirme – une fois de plus – l’urgence de garantir et de consolider la participation citoyenne informée en matière d’environnement au Costa Rica. L’impact sur la santé humaine des habitants des communautés touchées par l’expansion de l’ananas est une autre dette lourde et dramatique que les autorités sanitaires et environnementales du Costa Rica portent depuis de nombreuses années (voir ce rapport très complet de 2019 publié dans le média numérique Delfino.cr, dont la lecture est recommandée, et le film documentaire, « Ne nous taisons pas : parlons de pollution piñera ». Homenaje a Mayra Umaña, lideresa ecologista », de l’émission Era Verde, Canal 15 UCR, réalisée en 2014). Il convient de noter la catastrophe environnementale causée par une société minière à Abangares le 15 juillet 2022 (voir l’article du Semanario Universidad), qui a une fois de plus mis en évidence le manque de capacité de surveillance de l’État costaricien et les risques élevés de l’exploitation chimique dans les pays tropicaux.

Manifestation contre le ministère de la Santé, le 21 août 2008, en présence de la ministre de la Santé, Maria Luisa Avila, à propos de la tentative – quelque peu originale – des autorités sanitaires de légaliser l’utilisation du chrysotile dans l’eau potable (sans plaisanter, comme vous l’avez lu, légaliser le chrysotile dans l’eau potable) dans plusieurs communautés affectées par l’expansion démentielle de l’expropriation d’ananas MD2 (ou « Sweet Gold ») dans la région de Siquirres. En 2011, les autorités sanitaires ont esquivé un débat public à la même UCR (voir note). En 2017, le décret exécutif 40423 a finalement interdit l’utilisation du bromacil au Costa Rica. Photo des archives de l’auteur. On peut lire en 2009 par le même ministre de la Santé que : « L’IRET a refusé de donner les noms des enfants, avec l’argument de la confidentialité, que je trouve personnellement absurde dans ces cas. Personnellement, et en tant que ministre, je pense que c’est barbare » (voir l’article du Semanario Universidad intitulé « La divulgation de produits agrochimiques dans l’urine d’enfants suscite un différend »).

Costa Rica et Escazú : des silences, des questions sans réponse et quelques autres bizarreries

Comme nous l’avons rappelé au cours du mois de juin 2022 lors d’un forum international organisé à San José sur les droits de l’Homme (Congrès sur le BioDroit et les droits de l’Homme et vidéo – notre intervention à partir de 1:59:00), l’axe de la participation citoyenne informée en matière d’environnement constitue l’un des trois piliers de l’Accord d’Escazú de 2018, ainsi que de la Convention d’Aarhus pour l’Europe (1998).

Si nous sommes tous des titulaires de droits, nous devons être en mesure d’exercer nos droits. Si une constitution reconnaît le droit à un environnement sain comme un droit de l’homme, les droits d’accès doivent nécessairement être reconnus et consolidés pour le garantir. Permettre une participation informée permet de dé-judiciariser les conflits dans une large mesure. Ne pas permettre aux petites communautés de participer aux questions environnementales conduit inévitablement à une judiciarisation prononcée, telle que celle observée au Costa Rica, ainsi que dans de nombreuses autres régions d’Amérique latine.

Dans ce même document, nous avons également réitéré, en ce qui concerne le Costa Rica, ce que nous avons eu l’occasion d’exprimer lors de la diffusion, en avril dernier, de l’émission de Canal15 UCR, « Lo que importa », dirigée par la journaliste Alejandra Fernández Bonilla, et de souligner avec deux collègues du Chili (voir la vidéo de l’émission parrainée par Diario Financiero-Live de Chile le 21 juillet 2022).

Les Costaricains (mais aussi les Dominicains, les Guatémaltèques, les Honduriens, les Paraguayens et les Péruviens) ont déjà pu se rendre compte par eux-mêmes que rien de ce que prédisent quelques chambres de commerce en cas d’approbation de l’accord d’Escazú ne s’est produit dans le cas des économies de l’Argentine, de la Bolivie, de l’Équateur, du Mexique, du Panama et de l’Uruguay lorsqu’il a été approuvé. On s’attend à ce que l’économie chilienne ne subisse pas non plus d’impact négatif et qu’au contraire, le leadership incontesté en matière d’environnement et de droits de l’homme dans la région, que le Chili réaffirme avec son adhésion à l’accord d’Escazú, lui apportera de nouveaux projets d’investissement et de coopération. De même, dès que la Colombie déposera son instrument d’adhésion aux Nations unies, le même effet sera probablement observé. Un récent article publié dans El País (Espagne) par le rapporteur spécial des Nations unies sur les substances toxiques et les droits de l’homme, intitulé « Accord d’Escazú : l’alliance sans précédent qui ouvrira les portes des marchés internationaux à l’Amérique latine », suggère que le marché mondial prend de plus en plus conscience de certaines choses qui … que certains chefs d’entreprise latino-américains, y compris costariciens, semblent ignorer complètement (voir l’article, publié dans l’édition du 12 octobre 2022).

En ce qui concerne ces derniers, plusieurs questions que nous leur avons posées dans le média numérique Delfino.cr en mars dernier attendent toujours une réponse. Nous réitérons une fois de plus ce que nous avons déjà affirmé dans d’autres espaces et articles : les prétendus « arguments » contre l’accord d’Escazú entendus au Costa Rica correspondent à des mythes, promus par divers chefs d’entreprise latino-américains et leurs acolytes politiques (toujours utiles).

Par exemple, notre collègue Mario Peña Chacón avait expliqué que le renversement de la charge de la preuve en matière d’environnement s’applique depuis 1998 dans le système juridique costaricien et qu’il n’a fait fuir personne en particulier, malgré les affirmations des chambres de commerce pour s’opposer à l’accord d’Escazú ; ainsi que par un magistrat de la Chambre constitutionnelle, qui a rédigé une étrange et désormais célèbre « article » en mars 2020 jointe à une décision de la Chambre constitutionnelle, qui se lit comme suit :

Il est indiscutable que dans notre régime constitutionnel, c’est l’État qui a l’obligation de prouver l’existence de l’acte criminel et la responsabilité de l’accusé ; en ce sens, la règle consultée en permettant le renversement de la charge de la preuve à appliquer contre l’accusé, dans ces cas, est en violation du droit de la défense comme un aspect intégral de la procédure régulière. On pourrait soutenir que la règle peut être interprétée de manière à exclure la matière pénale en utilisant l’expression « le cas échéant » citée dans la règle, mais je crois qu’un aspect aussi délicat ne peut être laissé à la discrétion de l’opérateur juridique, par le biais de l’interprétation, et que, en raison de ses effets, il ne peut être laissé à l’arbitrage interprétatif, de sorte que je crois que la matière pénale aurait dû être expressément exclue de l’éventuel renversement de la charge de la preuve. (Note 7)

Au grand soulagement de nombreux collègues, et malgré le critère exprimé dans son « article » par la magistrate précitée, dans aucun des États ayant déjà ratifié l’Accord d’Escazú, le renversement de la charge en matière environnementale n’est venu menacer le principe d’innocence en envahissant la sphère du droit pénal ; de même, aucun affaiblissement de la présomption d’innocence en matière pénale n’a été observé depuis 1998 (année de la consécration de ce principe de droit environnemental par le système juridique costaricien). En guise de confidence entre un auteur et ses lecteurs, ces derniers doivent savoir que c’est avec un sentiment de profonde tristesse que sa plume a écrit ces deux dernières phrases (et nous sommes reconnaissants de la compréhension complice de nos fidèles lecteurs).

Quant aux autres prétendus « arguments » contre Escazú, c’est très tôt que l’équipe de journalistes de l’Université du Costa Rica (UCR) de Doble Check l’a démontré, avec un titre qui (à ce jour…) n’a donné lieu à aucun droit de réponse ou de rectification de la part de ladite entité et que nous nous permettons de reproduire : « L’UCCAEP utilise de faux arguments pour s’opposer à l’accord Escazú ».

Le même juriste Mario Peña Chacón avait, pour sa part, « démystifié » dans une autre précieuse contribution publiée en novembre 2020, les raisons et les véritables légendes répandues par certains secteurs au Costa Rica contre Escazú. Ce sont des raisons et des légendes que nous trouvons diffusées de manière presque identique dans des communiqués autres que celui de l’UCCAEP (voir par exemple la lettre des chambres liées au secteur agro-exportateur costaricien, y compris celles des exportateurs d’ananas et de bananes) et dans d’autres parties du continent : Voir par exemple au Pérou ce document signé par son collège d’ingénieurs – et cet autre document signé cette fois par de hauts commandants militaires péruviens sur la prétendue perte de souveraineté en Amazonie péruvienne -, ou cette annonce des chambres du secteur agricole paraguayen (voir texte intégral).

Pour en revenir au Costa Rica, la Chambre nationale de l’écotourisme et du tourisme durable (CANAECO) a eu le courage de réfuter publiquement ses homologues dans une déclaration en faveur de l’accord d’Escazú, mais pas CANATUR (voir déclaration) : la chambre nationale de l’industrie touristique costaricienne, qui fonde une grande partie de son activité sur les attraits de la prodigieuse biodiversité du Costa Rica, plaide contre l’accord d’Escazú, qui a été établi pour protéger ceux qui défendent l’environnement ? Quelle tristesse, quel désarroi et plus généralement quelle profonde consternation pour beaucoup.

Tout aussi déconcertant est le fait que ce communiqué de presse officiel de la CEPALC du 8 mars 2022 n’a trouvé aucun écho dans les médias costariciens : la perplexité et la consternation doivent être encore plus grandes lorsqu’on constate que cette importante réunion avec tous les États membres de la CEPALC a eu lieu dans la capitale costaricienne. L’étonnement doit atteindre des limites inimaginables quand on voit qu’un communiqué de presse officiel du ministère des affaires étrangères du Costa Rica sur cette même réunion … n’a trouvé aucun écho dans les médias du Costa Rica (Note 8).

La profonde solitude du système judiciaire costaricien en Amérique latine

Toujours en ce qui concerne le Costa Rica, il convient de mentionner, comme nous l’avons déjà fait à d’autres occasions, une « découverte », unique dans tout le continent américain au moment de la rédaction de ce rapport (12 novembre 2022), faite par son système judiciaire.

En effet, aucun autre pouvoir judiciaire des 12 États ayant déjà ratifié l’Accord d’Escazú, ni le pouvoir judiciaire péruvien (voir ce document), encore moins le pouvoir judiciaire chilien (voir ce document d’avril 2022), n’a eu une opinion similaire à celle exprimée par la Cour plénière de la Cour suprême de justice du Costa Rica : selon elle (et seulement elle…), le paragraphe 5 de l’article 8 de l’Accord d’Escazú entraînerait un coût supplémentaire pour le fonctionnement du pouvoir judiciaire costaricien. Ce critère a été réaffirmé en mai 2020 par la Cour plénière (voir point 15 au folio 674-675 de ce vote de la Chambre constitutionnelle d’août 2020).

L’accord d’Escazú oblige-t-il à un effort économique supplémentaire pour le budget de la justice au Costa Rica et seulement dans le cas du Costa Rica ? Quelle innovation et quel remarquable effort de créativité. Une interprétation vraiment nouvelle mais totalement erronée, et détectée par un seul magistrat constitutionnel, sur les sept qui composent la Chambre constitutionnelle (Note 9). Ce même magistrat dans son vote d’août 2020 (voir sa déclaration jointe à la fin du vote) montre à quel point la Chambre constitutionnelle est stricte et particulièrement éloignée du principe de rapidité et d’agilité parlementaire par rapport à sa décision de faire reculer l’ensemble du processus d’approbation de l’accord d’Escazú.

En réalité, la « découverte » susmentionnée ne doit pas être considérée comme fortuite, mais plutôt, confirmée par la Chambre constitutionnelle, comme faisant partie d’une ligne jurisprudentielle régressive du même juge constitutionnel costaricien en matière de participation citoyenne en matière environnementale, très peu connue et médiatisée, et encore moins remise en cause (Note 10).

Il est plus que probable qu’avec le temps (et les nouvelles ratifications de l’accord d’Escazú à venir), la mesquinerie du pouvoir judiciaire costaricien – à notre avis assez inhabituelle – s’accentue face à ses autres pairs d’Amérique latine et des Caraïbes.

Quelques contributions de l’Université du Costa Rica (UCR)

Contrairement à d’autres parties du continent, il existe très peu de documentaires/vidéos réalisés au Costa Rica sur l’accord d’Escazú par des spécialistes de la communication collective et de la production audiovisuelle.

Parmi les quelques productions audiovisuelles existantes, on peut citer deux documentaires de l’Université du Costa Rica (UCR) produits par le Vice-Rectorat d’Action Sociale (VAS) en août 2021, intitulés « UCCAEP et l’Accord d’Escazú », qui dépeignent de manière assez complète la position des chambres d’affaires costariciennes et de certaines de leurs figures politiques (voir vidéo).

Cette première vidéo a été complétée par une autre sur la situation précaire dans laquelle vivent les défenseurs de l’environnement au Costa Rica, intitulée « L’accord d’Escazú et les défenseurs de l’environnement », qui est également recommandée (voir la vidéo). Ce documentaire comprend, entre autres, une interview du leader indigène Jerhy Rivera, assassiné en 2020 au Costa Rica, et une autre avec un leader courageux qui dénonce depuis de nombreuses années l’expansion insensée de l’ananas dans son canton (Guácimo).

Nous réitérons notre appel aux spécialistes de la communication collective et de la production audiovisuelle au Costa Rica à s’inspirer des productions réalisées au Chili, en Colombie ou au Pérou sur l’importance de l’Accord d’Escazú afin d’en faire connaître la véritable portée à l’opinion publique : cette vidéo réalisée par l’équipe de journalistes de LaPulla (Colombie), intitulée « Le nouveau piège que les membres du Congrès veulent nous tendre » (Le nouveau piège que les congressistes veulent nous tendre) donne une idée de ce que peut produire une équipe de communicateurs talentueux.

Une émission de radio de mai 2021 de Radio UCR intitulée « Le Costa Rica sans l’accord d’Escazú : le double standard dans le récit des droits de l’homme » animée par les juristes Gisele Boza Solano et Rosaura Chinchilla Calderón (voir vidéo) mérite également d’être mentionnée, parmi plusieurs émissions de valeur sur le sujet parrainées (toutes) par les médias de l’UCR.

En ce qui concerne les autres médias, nous renvoyons nos estimés lecteurs au « Café para Tres » diffusé en avril 2021 par le média numérique Delfino.cr. (voir vidéo) : il s’agissait d’une première tentative de débattre publiquement des « arguments » de l’UCCAEP.

En guise de conclusion

L’Accord d’Escazú fait incontestablement progresser l’Amérique latine et les Caraïbes vers une meilleure gouvernance environnementale : nous sommes certains que de nombreux Escazuceños se sentent profondément fiers de la projection internationale que leur cher canton a acquise depuis 2018, ainsi que de nombreux autres Costariciens.

À titre d’exemple, ce traité régional a été utilisé en Argentine par un juge pour obliger une municipalité à fournir des informations sur la qualité de l’eau fournie (voir cet article dans ElEco de Tandil) ; tandis que la Banque interaméricaine de développement (BID) a organisé un espace virtuel précieux avec les plus hautes autorités du Chili pour expliquer la portée de la participation citoyenne prévue à Escazú (voir cet article et la vidéo de l’événement tenu le 25 juillet 2022).

Au fur et à mesure que d’autres ratifications de l’accord d’Escazú seront enregistrées, la position affichée par le Costa Rica au niveau international deviendra de plus en plus intenable. Cet article de l’organisation La Ruta del Clima sur la « régression » avec laquelle le Costa Rica s’est présenté au monde lors de cette COP27 en Egypte détaille plusieurs autres régressions des autorités costariciennes actuelles sur les questions environnementales.

Outre l’agacement exprimé par le responsable du portefeuille environnemental susmentionné dans divers forums internationaux sur les questions de droits de l’homme, d’environnement, de démocratie environnementale et de gouvernance environnementale, il existe un malaise latent chez de nombreuses personnes lorsqu’elles écoutent les délégués costariciens, ce qui contribue à miner leur crédibilité en tant que représentants officiels. À cet égard, il convient de rappeler les propos d’un représentant officiel du Costa Rica lors d’une réunion tenue en avril 2019 à Santiago du Chili sur l’accord d’Escazú (voir le texte intégral de son intervention), dans lesquels il a déclaré quelque chose qui, en novembre 2022, reste d’une actualité éblouissante :

Je veux être clair sur le fait que, tout comme notre région a été un exemple pour le monde, en avançant dans la construction de la démocratie environnementale, maintenant le monde nous regarde et est attentif à ce que nous pouvons continuer à construire à partir de maintenant.

Au-delà du profond mécontentement que l’accord d’Escazú semble susciter chez plusieurs membres du cabinet actuel du pouvoir exécutif, nous souhaitons réitérer certaines des questions soulevées dans les publications précédentes sur ce même sujet :

  • Le Costa Rica a-t-il encore le temps, après le Chili et la Colombie, de rectifier la situation ?
  • Le Chili et le Costa Rica ayant codirigé le processus ardu de négociation de l’accord d’Escazú entre 2012 et 2018, la première COP n’aurait-elle pas dû se tenir au Chili et la seconde au Costa Rica ?
  • Peut-être faudra-t-il attendre que la Colombie (puis éventuellement le Brésil, le Honduras, le Pérou ou le Paraguay) l’approuve pour que les autorités politiques costariciennes se sentent d’une manière ou d’une autre interpellées par les autres États de la région et réagissent ?

En tant que citoyens, que pouvons-nous faire de plus par rapport à l’urgence de consolider un modèle de gouvernance environnementale beaucoup plus fonctionnel que celui qui existe au Costa Rica, et que l’accord d’Escazú offre à tout État qui l’approuve ?

Nous ne voudrions pas conclure ces lignes sans exprimer à nouveau, comme nous l’avons fait en d’autres occasions, notre profonde admiration pour la juriste chilienne Constance Nalegach, pour son travail inlassable et son engagement sans faille en faveur d’une véritable démocratie environnementale en Amérique latine et dans les Caraïbes : les avancées indéniables de l’Accord d’Escazú en 2022 et tous les défenseurs de l’environnement en Amérique latine doivent beaucoup à cette grande figure chilienne.

Notes

Note 1 : Voir MUÑOZ AVILA L. & LOZANO AMAYA M.A. « La democracia ambiental y el Acuerdo de Escazú en Colombia a partir de la Constitución ecológica de 1991 », Revista Derecho del Estado, Numéro 50 (Sept.-Dec. 2021), pp. 165-200. Le texte intégral de cet article détaillé est disponible ici.

Note 2 : Voir par exemple PEÑA CHACÓN M., « Transparencia y rendición de cuentas en el Estado de Derecho ambiental », Delfino.cr, édition du 17 avril 2021, disponible ici. En ce qui concerne l’Accord d’Escazú, nous nous référons à trois précieuses (et volumineuses) publications collectives qui détaillent la portée de son contenu et son importance pour la consolidation d’une véritable démocratie environnementale en Amérique latine et dans les Caraïbes : ATILIO FRANZA J. & PRIEUR M. (dir.), Acuerdo de Escazú : enfoque internacional, regional y nacional, Editorial Jusbaires, Buenos Aires, 2022, 670 pgs. Ouvrage disponible dans son intégralité à ce lien ; ainsi que BARCENA A., MUÑOZ AVILA L., TORRES V. (éditeurs), El Acuerdo de Escazú sobre democracia ambiental y su relación con la Agenda 2030 para el Desarrollo Sostenible, 2021, CEPAL / Universidad del Rosario (Colombie), 298 pages, disponible sur ce lien ; et PRIEUR M., SOZZO G. et NAPOLI A. (éditeurs), Acuerdo de Escazú : pacto para la eco-nomía y democracia del siglo XXI, 330 pages, 2020, Universidad del Litoral (Argentine), disponible sur ce lien. Le fait qu’il s’agisse d’un instrument d’avant-garde peut être confirmé en examinant les développements pour l’application de l’article 7 et de l’article 9, élaborés par la CEPALC elle-même dans le guide d’application de l’accord d’Escazú, présenté officiellement en avril 2022 (disponible ici, en particulier aux pages 108-126).

Note 3 : À l’exception du Liechtenstein et de Monaco, tous les États de la région européenne ont ratifié sans problème majeur, l’Irlande étant le dernier à le faire en 2012 (voir le statut officiel des signatures et des ratifications). Le mécanisme conventionnel de suivi de la mise en œuvre de la convention d’Aarhus, appelé « comité de conformité » (voir le site officiel), présente un intérêt particulier pour la mise en œuvre de l’accord d’Escazú et a inspiré certaines de ses dispositions. Projets d’investissement en Europe paralysés suite à l’adoption de la convention d’Aarhus, suspension de grands projets d’infrastructure, fuite massive des investissements étrangers en Europe suite à l’entrée en vigueur de la convention d’Aarhus ? Voilà d’autres questions très valables à poser à certains des détracteurs de l’accord d’Escazú en Amérique latine et à leurs prétendus « arguments » contre un traité régional dont les objectifs coïncident exactement avec ceux de la convention d’Aarhus pour l’Europe.

Note 4 : Voir à cet égard BOEGLIN N., « Indigenous peoples and their rights : revealing report by UN Special Rapporteur shows serious and persistent lagunas in Costa Rica », 28 septembre 2022 : cet article a été publié sur plusieurs sites web costariciens, tels que Elmundo.cr, Informa-tico ainsi que Elpais.cr. En juillet 2022, le rapport a été publié sur le site web costaricien « Pueblos indígenas y sus derechos : revelador informe de Relator Especial de Naciones Unidas exhibe graves y persistentes lagunas en Costa Rica ». En juillet 2022, face à des affirmations plutôt étranges de la responsable de l’Ombudsman du Costa Rica, des universitaires et des ONG ont dû rendre publiques ses affirmations et lui demander de les rectifier publiquement (voir article avec communiqué publié dans Delfino.cr, édition du 22 juillet 2022).

Note 5 : Ainsi, certains Etats parties ont choisi la deuxième année de vie d’Escazú (Antigua-et-Barbuda réalisant le dépôt à la même date, le Nicaragua et le Panama quelques jours plus tard), le premier anniversaire de l’ouverture de sa signature (Bolivie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Uruguay avec un calendrier vraiment enviable et exemplaire qui devrait inspirer d’autres ministères des affaires étrangères). Dans le cas de l’Argentine et du Mexique, les deux appareils diplomatiques ont coordonné la date du 22 janvier 2021 pour permettre l’entrée en vigueur d’Escazú le jour de la Terre, le 22 avril. Comme on peut le constater, chaque État a cherché, à sa manière, à honorer Escazú par une date symbolique choisie pour déposer officiellement son instrument de ratification aux Nations unies, mettant en évidence la parfaite harmonie et coordination entre les appareils diplomatiques de l’Argentine et du Mexique pour donner la plus grande importance possible à la date d’entrée en vigueur de l’accord d’Escazú.

Note 6 : Le taux de déforestation dans la forêt amazonienne brésilienne a augmenté de façon spectaculaire depuis 2018, comme le détaille le graphique inclus dans ce lien de l’Instituto Nacional de Pesquisas Espaciais (INPE) du Brésil. Avant 2018, les autorités brésiliennes étaient parvenues à faire baisser ce taux de manière significative.

Note 7 : La position du juge susmentionné peut être lue dans le deuxième « article » accompagnant le vote de la Chambre constitutionnelle de mars 2020 sur l’Accord d’Escazú : voir le texte intégral et les deux « notes ». En ce qui concerne le contenu de la « note » du magistrat susmentionné, dans un article publié dans Ojoalclima en avril 2021 (voir article), l’ancienne négociatrice de l’accord d’Escazú, Patricia Madrigal Cordero, a détecté une coïncidence qui, à notre modeste avis, mériterait une explication : « Deuxièmement, la magistrate Nancy Hernández, dans une note, exprime ses préoccupations interprétatives concernant l’accord d’Escazú qui, par coïncidence, sont les mêmes que celles que l’Union costaricienne des chambres et associations du secteur privé des entreprises (UCCAEP) a trouvées pour s’opposer au projet », a ajouté M. Madrigal.

Note 8 : Nous avons reproduit ce communiqué dans une note antérieure (voir le texte intégral dans la note 3) dans BOEGLIN N., « La aprobación del Acuerdo de Escazú en Chile. Algunas reflexiones a propósito de la celebración del Día Internacional del Ambiente », Portal Universidad de Costa Rica (UCR), section Voz Experta, édition du 7 juin 2022, disponible ici.

Note 9 : Il convient de noter que dans son opinion dissidente jointe à cette décision (voir texte intégral) de la Chambre constitutionnelle de mars 2020, le juge Paul Rueda a été le seul (sur sept membres) à signaler la lecture totalement erronée faite par ses collègues de la Chambre : « Il est facile de voir que cette règle n’impose à aucun moment au pouvoir judiciaire l’obligation de fournir une assistance technique gratuite, qui doit être mise en œuvre en fonction des conditions du système juridique de chaque pays. Dans le cas du Costa Rica, cette assistance peut être fournie par tout organisme public lié à la question, par exemple, le bureau du médiateur, les défenseurs sociaux du barreau ou les cliniques juridiques de l’UCR (ce qui n’exclut pas la coopération de celles qui correspondent à des universités privées). Par erreur, le vote majoritaire n’a pensé qu’au pouvoir judiciaire et a considéré que le texte consulté « contient dans ses articles des normes explicites qui prévoient la création, la modification substantielle ou la suppression d’organes strictement juridictionnels ou administratifs rattachés au pouvoir judiciaire, ou crée, ex novo, modifie substantiellement ou supprime des fonctions matériellement juridictionnelles ou administratives ». Sur la base de ce qui précède, je maintiens qu’à aucun moment le texte exprès du numéral en question ne révèle ce que la majorité suppose ». Cette opinion dissidente date de mars 2020 : en novembre 2022, le fait qu’aucun autre pouvoir judiciaire d’Amérique latine ne soit parvenu à une telle « découverte » renforce la justesse du critère exprimé par le seul juge Paul Rueda.

Note 10 : En effet, ce n’est pas la première fois au Costa Rica que la majorité de la Chambre constitutionnelle cherche à limiter de manière significative la portée de la participation des citoyens en matière d’environnement, l’un des trois piliers fondamentaux de l’Accord d’Escazú. Il s’agit d’un aspect de la justice constitutionnelle costaricienne qui est peu médiatisé et peu connu, alors que, à notre modeste avis, il devrait l’être, ainsi que discuté et dénoncé. En 2017, la Chambre constitutionnelle du Costa Rica a décidé que la participation des citoyens en matière d’environnement ne peut plus être qualifiée (selon elle et … seulement elle) de droit de l’homme : cela ressort clairement du paragraphe V de l’arrêt 1163-2017 (voir texte intégral). Il convient de noter que cette décision n’a fait l’objet que de deux votes dissidents (signés par les juges Fernando Cruz et Paul Rueda) : les cinq autres juges ont estimé qu’aller à l’encontre de la jurisprudence de la Chambre constitutionnelle elle-même et de la Cour interaméricaine des droits de l’homme ne méritait pas de réflexion particulière. Un an plus tôt, en 2016, le juge constitutionnel costaricien a considéré que la liberté d’entreprendre prévaut sur un accord municipal établissant un moratoire sur les nouvelles plantations d’ananas : il s’agissait d’un accord municipal pris afin de protéger la santé publique des communautés entourant cette monoculture dans le canton de Los Chiles. Voir le texte intégral du jugement 11545-2016, qui se lit comme suit : « Cela dit, les municipalités n’ont pas le pouvoir d’interdire une certaine activité économique licite sur leur territoire ou de déclarer des moratoires, définitifs ou indéfinis. Cette compétence correspond à l’État, puisque le droit de la Constitution (valeurs, principes et normes) est clair et précis, en ce sens que le régime des libertés publiques est réservé à la loi. En l’espèce, aucune disposition légale ayant force de loi n’autorise la commune en question à interdire la culture de l’ananas sur son territoire, ni à déclarer un moratoire indéfini sur la culture de ce produit, raison pour laquelle son action est arbitraire et, par conséquent, contraire à l’ordre juridique ». S’agissant d’un moratoire pour une période très précise de 5 ans, il est plus que douteux que la Chambre l’ait considéré comme un « moratoire indéfini ». Une fois de plus, la lecture de l’opinion dissidente du juge Fernando Cruz montre à quel point la décision prise par la majorité de ses collègues est erratique, fantaisiste et contestable : le juge Cruz conclut en expliquant que « compte tenu des menaces et des effets nocifs pour la santé et l’environnement causés par la culture de l’ananas, les communautés ont une pleine légitimité juridique et politique pour dicter des mesures préventives temporaires afin que leurs citoyens ne soient pas lésés par une activité agro-exportatrice qui cause des dommages et des menaces à la biodiversité ».

Auteur : Nicolas Boeglin, Professeur de droit international public, Faculté de droit, Université du Costa Rica (UCR)